Nous imaginons le contexte urbain comme un être multiforme, une somme d'éléments qui se distinguent les uns des autres selon les sujets qui les utilisent (piétons, véhicules), les activités qui y sont exercées (stationnaires, mobiles), le temps qui y est passé ainsi que le niveau de conservation et de sauvegarde du patrimoine architectural qu’ils présentent.
Ces éléments ont des dénominateurs communs : les parcs urbains, les zones piétonnes et carrossables, les places et les parkings, ainsi que les « non-lieux », tels que les gares ferroviaires et routières et les aéroports. Il s’agit d’espaces où l'individu vit dans la communauté et satisfait ses besoins sociaux. En raison de cette particularité commune, nous pouvons les regrouper dans un même concept que nous appellerons contexte urbain.
Chaotique, certes. Mais aussi étonnamment fascinant si l'on observe ses aspects sociologiques. Préserver l'existant, récupérer les espaces non encore qualifiés, assurer les bonnes connexions entre les différents lieux en donnant un sens d'homogénéité : tout cela contribue à créer la réalité qui nous entoure.
Et à l’organiser.
L'urbaniste qui s'occupe de concevoir des pistes cyclables, de réaménager les parcs municipaux et de relier tous ces espaces aux points nodaux des transports urbains, a une idée structurée du développement durable pour l'avenir, et c'est précisément en construisant ces espaces qu’il permet aux habitants de concrétiser son idée stratégique initiale dans la vie de tous les jours. En effet, la réalité future de cette même communauté posera ses fondations sur un ensemble d'éléments du contexte urbain étudiés au préalable et conçus sur le papier.
On pourrait donc dire que l'identité d'une ville se construit et s'exprime dans l'utilisation des lieux publics par ses habitants et que ces espaces reflètent assez fidèlement la nature d'une société.
Une fois, je suis arrivée à Ljubljana dans la soirée, mon hôtel était situé près d'un grand parc municipal. Je demande à l’accueil de m’indiquer le chemin le plus rapide pour me rendre dans le centre à pied et on me répond « Tournez à droite ici, traversez le parc, vous vous retrouverez ... »
« Excusez-moi, mais je dois traverser le parc? Le soir ? »
« Oui, tout à fait, vous traversez le parc et vous arrivez sur une petite place, là vous ... »
Je suis sortie de l’hôtel vers 22 heures, je suis allée voir le parc, plus par curiosité qu'avec l'intention d'y entrer. Une fille faisait du jogging, puis une autre encore, en fait il y avait beaucoup de gens qui faisaient des activités à ce moment-là.
J’avais l’impression d’être dans un autre monde, peut-être l'était-ce vraiment car, comme vous pouvez l'imaginer, le parc était bien éclairé.
histoire d'une voyageuse en vacances en Slovénie
Des besoins sociaux aux réseaux sociaux
Comme on l’a dit, la satisfaction des besoins relationnels de l'individu dans la communauté se construit dans le cadre du paysage urbain et les espaces sociaux qui permettent de satisfaire ces besoins peuvent être définis de « contexte urbain ».
La place, vue comme un lieu architectural, avait autrefois une valeur sociale extraordinaire, elle concentrait les besoins d'agrégation politique, commerciale, civile, religieuse dans un seul espace. Même des éléments architecturaux tels que les arcades, nées à la suite de l'agrandissement de la surface habitable des bâtiments, ont été consacrés comme des espaces à usage public en raison de la grande utilité sociale qu'ils présentaient. En effet, les arcades permettaient de marcher tranquillement à l’abri de la pluie et de la chaleur excessive, elles consentaient aux personnes âgées fatiguées de faire une halte et offraient un toit aux sans-abri. Enfin, elles permettaient d'exposer les produits artisanaux des échoppes, ce qui facilitait la conclusion des affaires.
Aujourd'hui, nous pouvons inclure, parmi les besoins sociaux, notre activité sur les réseaux sociaux : en tant qu'individus, nous nous insérons dans le discours public à travers les pixels des photos que nous prenons et partageons.
Le succès du tourisme dans une ville passe aussi par la quantité et la qualité des posts publiés sur les réseaux sociaux à son sujet. L'instagrammabilité de ses espaces urbains, c'est-à-dire le fait que ceux-ci sont capables d'inspirer un grand nombre de photos à poster sur le célèbre réseau social, peut directement influencer la capacité d'une ville à devenir attractive d'un point de vue touristique et, par conséquent, à renflouer ses caisses.
Déjà en 2017, une étude1 menée par la compagnie d'assurance britannique Schofields Insurance révélait que 40% des personnes interviewées appartenant à la génération des milléniaux déclaraient choisir une destination touristique en fonction de son niveau d'instagrammabilité. D’après un article de Verge2, les propriétaires de restaurants et de bars assurent leur succès auprès du public grâce à un design d'intérieur axé sur les goûts les plus tendance sur Instagram. Le design est soigné pour obtenir une plus grande photogénicité. En effet, les clients seront tellement inspirés pour prendre des photos et des selfies que, une fois en ligne et en mentionnant le lieu, ils le rendront célèbre et populaire grâce à la viralité des messages.
Si l'on considère Instagram et Pinterest comme les archives virtuelles par excellence dans lesquelles trouver de nouvelles idées et inspirations de voyage, on peut aisément élargir la réflexion du mobilier d'un restaurant à celui d'un espace urbain. Les éléments architecturaux, les perspectives et les installations artistiques qui font partie du tissu urbain peuvent être traités comme s’il s’agissait de toiles de fond idéales pour des photos qui attirent un grand nombre de Likes, jusqu’à devenir un volant social pour le tourisme.
De notre point de vue, force est de réfléchir au rôle qu’un éclairage approprié peut jouer pour l'instagrammabilité de la ville du crépuscule à l’aube. Il suffit de penser au nombre de touristes susceptibles d’être attirés par les scénarios de lumière colorée projetés sur les façades ou par les projecteurs à lumière RGBW immergés dans les fontaines.
1, 2: Voir sitographie en bas
Nous avons personnellement et involontairement expérimenté à quel point le selfie et l'instagrammabilité des lieux sont désormais une réalité à prendre en compte lors des tournages à Istanbul à la Grande Mosquée. Nos profilés lumineux semblaient dicter les règles de positionnement correct des touristes lors de la prise de selfie : ici oui, là non.
« O tempora, o mores », diraient les Romains. Pour un concepteur d'éclairage, autant en tenir compte lorsqu’il repense la lumière dans un espace urbain.
Ville ouverte 24h/24 - 7j/7
Faisons donc un premier point de la situation, avec le bon éclairage, nous pouvons principalement atteindre trois objectifs:
🔶 Influencer la sécurité perçue. Vous vous souvenez de notre amie de Ljubljana ? La lumière tranquillise les gens lorsqu'ils traversent un lieu ou lorsqu'ils vont reprendre leur vélo laissé à la gare.
À partir de là, le deuxième objectif va de soi.
🔶 Humaniser le contexte urbain dans lequel vit l’habitant, amenant celui-ci à utiliser davantage l'espace public et à rendre plus tangible le processus de construction d'une dimension collective.
🔶 Augmenter l'instagrammabilité d'une ville, et donc son niveau d'attractivité pour le tourisme, en obtenant une publicité basée sur la viralité du contenu social.
Les espaces de manœuvre pour l'étude de l'éclairage urbain peuvent varier fortement selon que le contexte à éclairer est un espace existant, avec des structures architecturales dans lesquelles s'insérer sans impact, ou qu’il s'inscrit dans un projet original.
Selon les cas, nous pourrons décider si notre lumière vise à mettre en valeur des éléments, à surprendre, à émouvoir et à créer une expérience (à partager sur Instagram, of course !) ou bien à faciliter une activité. Les circonstances particulières relatives à un projet donné seront alors déterminantes pour l'ampleur ou non de l'éventail des choix concernant l’appareil d'éclairage.
Quel que soit l'objectif d'éclairage visé, nous savons parfaitement que toutes les options seront examinées afin de se conformer :
⚖️ aux normes en matière d’éclairage extérieur (par exemple EN 13201 en Europe) ;
⚖️ aux lois locales relatives à la lutte contre la pollution lumineuse ;
⚖️ aux indications des organismes de protection du patrimoine architectural et paysager.
Mais procédons avec méthode. Commençons par nous nous aventurer dans la jungle urbaine.
Le flâneur
Étalons le plan d'une grande ville moderne sur la table : imaginons que nous sommes des flâneurs modernes, des personnages qui errent à l’apparence dans les rues, mais qui réfléchissent en réalité au paysage urbain qui les entoure et à ses innombrables aspects anthropologiques.
Après avoir mis son chapeau et saisi sa canne, notre flâneur s’en ira faire une promenade au coucher du soleil pour essayer de comprendre ce que signifie éclairer un espace urbain.
Vers 1850, le poète Charles Baudelaire soutenait que l'art traditionnel était inapproprié aux nouvelles complications dynamiques de la vie moderne. Les changements sociaux et économiques causés par l'industrialisation ont obligé l'artiste à s'immerger dans la métropole et à devenir, selon les mots de Baudelaire, « un botaniste de l’asphalte », un connaisseur analytique du tissu urbain.3
3: Voir sitographie en bas
Une fois notre plan étalé sur la table, nous tracerons du doigt un parcours par étapes à travers la ville à partir de la zone piétonne. Dans le prochain épisode, nous nous concentrerons sur les places, les zones carrossables, les gares et enfin les parcs municipaux.
Étroitement liée au développement durable et à l'attention portée au tourisme ainsi qu'aux activités de commerce et de restauration, la réorganisation des villes par l'ouverture de zones piétonnes est désormais consolidée depuis des années. À cela vient s'ajouter malheureusement la récente urgence sanitaire qui conduira probablement les villes à se concentrer sur les déplacements à pied ou à vélo plutôt que sur les transports en commun.
Coloniser l'inexploré
Il peut arriver que l'administration d'une ville décide de créer un nouvel espace urbain, amenant l’habitant à s’approprier d'un lieu auparavant inexistant et à commencer à le vivre et à exercer des activités là où il n'y avait tout simplement rien auparavant. Des zones grises situées entre des espaces existants et qui deviennent des zones de connexion, permettant à des possibilités auparavant inattendues de s'épanouir.
C'est le cas, par exemple, de la ville de Paris qui a vu la création d'un nouveau quartier dans l’espace existant entre le célèbre quartier d'affaires de La Défense et la commune voisine de Nanterre. Ces deux pôles ont été unis par la construction d'une promenade piétonne de 600 m de long. Ce nouvel espace créé offre des opportunités de divertissement, de culture et de shopping avec une arène sportive, des établissements commerciaux, scolaires et hôteliers.
Dans un cas comme celui-ci, le projet d'éclairage est né de pair avec le projet architectural. Il existe donc une grande marge de manœuvre également pour installer des profilés encastrés à lumière diffuse dans le sol.
Les mêmes appareils carrossables ont également été choisis pour la zone située en face du port touristique de La Corogne.
Au diable la modestie ! Vous verrez plusieurs de ces profils plus loin dans l'article.
En vérité, ce sont des solutions pour lesquelles nous sommes devenus célèbres. Parfois, nous nous amusons à calculer la distance que nous couvririons si nous alignions tous ceux que nous avons installés jusqu'à présent :)
Si la zone piétonne est située juste au bord d’un fleuve, d'un lac ou de la mer et que les appareils peuvent être exposés à des débordements d'eau, on peut opter pour la version IP68, la protection utilisée pour les appareils immergés. C’est que qui a été choisi, par exemple, pour la promenade sur les berges de la Vistule à Varsovie.
Dans ce cas, le profilé est à l'épreuve de toute condition environnementale, car il garantit son fonctionnement à la fois hors de l'eau et en immersion.
S’insérer sans impact
En suivant notre flâneur dans les rues de la ville, nous le voyons s'attarder dans les lieux les plus fréquentés et observer d’un air amusé le comportement des touristes.
Si l'espace urbain existe déjà, les éléments architecturaux qui le distinguent existent aussi, le projet d'éclairage tentera alors de s'intégrer naturellement.
On pourrait opter pour une solution à LED compacte et peu invasive comme dans l'exemple ci-dessous, qui permet de minimiser l'impact tout en obtenant un éclairage efficace pour le piéton.
Que dire de l'instagrammabilité de cette vue le soir ? C'est une véritable une carte postale.
En marchant lentement, nous remarquons que la lampe de balisage installée au mur est plutôt discrète.
Le long des promenades touristiques où l'on ne veut pas obscurcir la vue des bâtiments historiques, ces appareils font leur boulot sans s'imposer visuellement.
Mais ce n'est pas tout, les lampes de balisage aiment gagner haut la main :
🔶 la lumière est orientée vers le bas et dirigée uniquement là où elle est nécessaire, réduisant ainsi le problème de la pollution lumineuse ;
🔶 si elles sont choisies avec une optique extrêmement ouverte, telle que l’optique asymétrique, elles permettent d'éclairer de longs chemins avec peu d’appareils très éloignés les uns des autres ;
🔶 peu d’appareils, disions-nous, avec des sources LED à haute économie d'énergie et à faible entretien.
Et le trésorier municipal s’écriera : BINGO !
Lever les yeux au ciel...
Notre flâneur observe de près les appareils d’éclairage urbain : les projecteurs montés sur mât, ce qu’on appelle dans le jargon « tête de mât ».
Nous disposons d'optiques dédiées à l'éclairage des zones piétonnes ou des chemins piétonniers, le choix s'opère donc entre des émissions lumineuses de différents types en fonction du contexte d'utilisation de l'espace que nous éclairons. Voyons-les dans le détail :
🔶 L'optique conçue pour la zone piétonne (A) est symétrique et éclaire toute la zone autour de la « tête de mât »;
🔶 Celle du chemin piétonnier (B), quant à elle, s'étend longitudinalement pour éviter de créer des zones d’ombre et donc pour maintenir un bon niveau d'éclairage.
... et baisser les yeux au sol
Si la tendance des urbanistes est celle de moduler des villes davantage à l'échelle humaine et piétonne, la technologie de l'éclairage lui emboîte le pas, plaçant le bien-être de l'individu au centre du développement innovant des appareils d'éclairage.
L'idée est que la lumière peut être modulée de manière à respecter nos rythmes biologiques, en favorisant la réduction des niveaux de stress et en maximisant l'énergie ou la sensation de détente.
Sans ouvrir ici un chapitre consacré au concept de Human Centric Lighting, qui nous conduirait à parler davantage d'intérieurs que de paysages urbains, on peut cependant se limiter à identifier deux variables importantes pour un éclairage le plus confortable possible, à savoir la quantité et la tonalité : des lumières plus chaudes sont mieux tolérées et ont une moindre influence sur notre cycle circadien.
L'application de filtres qui imitent les effets naturels de lumière et d'ombre dans les allées peut rendre la promenade urbaine plus relaxante, car l'effet obtenu évoque une expérience visuelle typique d'un paysage naturel et apporte inconsciemment des sensations de détente typiquement vécues dans cet environnement.
À minuit, la ville s’endort…
En continuant à se balader dans la ville, alors que la nuit devient de plus en plus profonde, notre flâneur réfléchit au fait que du coucher du soleil à l'aube le besoin d'éclairage urbain n’est pas constant. Un éclairage continu dans un endroit qui n'en a pas besoin est un gaspillage de ressources ainsi qu'une présence envahissante pour l'environnement naturel.
Nous parlions de l'homme et de son bien-être psychologique, mais la vision du ciel nocturne et la santé de la flore et de la faune qui partagent nos espaces sont eux aussi à prendre en compte dans notre réflexion sur la lumière de la ville
Les systèmes d'éclairage intelligents sont capables de s'adapter aux variations environnementales d’après la collecte de certaines informations sur le contexte. L'installation d'un appareil muni d’un dispositif de variation d’intensité intégré pendant la nuit (minuit virtuel) permet de réduire progressivement l’émission lumineuse lorsqu’elle n'est pas nécessaire, obtenant ainsi d'une part des économies d'énergie et, d'autre part, une réduction de la pollution lumineuse.
Nous avons abordé le thème du mobilier urbain en analysant les implications sociales de l'éclairage des lieux publics, puis nous nous sommes concentrés sur la lumière dans les zones piétonnes. Continuez à marcher avec nous dans les villes éclairées, dans le prochain article, nous explorerons les parkings, les zones carrossables, les ronds-points, les parcs et les gares.
Sitographie
1 Independent, https://www.independent.co.uk/travel/instagrammability-holiday-factor-millenials-holiday-destination-choosing-travel-social-media-photos-a7648706.html, 10/10/2020
2 The Verge, https://www.theverge.com/2017/7/20/16000552/instagram-restaurant-interior-design-photo-friendly-media-noche, 10/10/2020
3 Wikipedia, Flaneur, https://fr.wikipedia.org/wiki/Fl%C3%A2neur, 12/10/2020
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